Tout d'abord, je tiens personnellement à remercier tous ceux sans qui Ballet Monstre ne se serait jamais fait : Pascal et Laurent, fidèles amis, Karine ma doyenne, Camille et Mikaël (et sa compagne Laura), dont l'énergie n'a d'égale que la générosité, Stéphane dit "Néfaste" - juste pour lui-même, Florence à l'incontournable culture bis et son compagnon Pierre au coeur d'or, Marion, Alexandre, Lysiane et Agnès mes petits nouveaux qui n'en sont pas revenus - et moi donc !, mon gros loup de Jean-Yves qui n'a de cesse de m'étonner par la précision de ce qu'il compose, et modeste avec ça !, l'équipe de Falaises et Plateaux qui a su nous "arcueillir", et puis incidemment ma compagne qui a donné naissance à notre premier fils pendant que je mettais ce spectacle au monde, et pour conclure Philippe Osmalin et le Théâtre de La Fugue sans qui je n'aurais jamais fait ces onze années de rencontres par le biais de l'atelier théâtre que j'ai animé pour sa Compagnie à l'Université de Jussieu.
"Ballet Monstre" (je remercie Florence pour cette appellation désormais d'origine incontrôlable) articulait ensemble les scènes principales du "Concile d'amour" d'Oskar Panizza - pièce trop méconnue contant "l'invention" de la syphillis par le Diable pour satisfaire les besoins puritains du Seigneur - avec quelques Histoires Extraordinaires d'Edgar Poe - Le puits et le pendule, Le Coeur Révélateur, Le système du Docteur Goudron et du Docteur Plume dans l'adaptation pour le Grand Guignol d'André de Lorde, et Le Masque de la Mort Rouge, et plus accessoirement "Je suis d'ailleurs" de mon cher Lovecraft, ainsi que le monologue de Salomé d'Oscar Wilde. Le choix de ces textes s'est fait durant l'année de travail avec les participants. J'avais ajouté à cela des extraits des Grenouilles d'Aristophane, des Faust de Marlowe et Goethe, du Frankenstein de Mary Shelley, la nouvelle "Un habitant de Carcosa" de Bierce, et un choix plus large chez Poe. Ces derniers se sont écartés d'eux-mêmes, mais formuler un sens global par un montage de ceux qui restaient demeurait une affaire périlleuse. Si l'invention d'une maladie par le diable restait le fil conduteur, menant à l'apothéose du Masque de la Mort Rouge, nous nous sommes amusés à articuler ensemble de façon plus poétique le thème du Monstre et celui du Masque. Les Monstres étaient ici dans un premier temps les "bonnes pensées" du Diable, mais demeuraient traqués et chassés par les Masques, neutres et impersonnels, à la présence envahissante et contagieuse. Il s'agissait ici de la réelle maladie, du véritable fléau : la perte d'identité sous prétexte d'éradication de la part monstrueuse de chacun de nous. A l'origine, je voyais Dieu, puritain et cacochyme chez Panizza, comme le Masque en chef, le grand planificateur, et grand architecte de la normalité, bien que cette image ne soit pas apparue de façon si évidente sur scène. Au final, Dieu s'est révélé très accessoire; le Diable quant à lui est devenu un protagoniste plus exposant qu'agissant. Il en ressortait plutôt que les masques éradiquaient les monstres au fur et à mesure du déroulement de l'action, pour finir sur un Bal Costumé, celui du Masque de la mort Rouge d'Edgar Poe. Devant la menace de la maladie, les nantis se sont repliés dans leur forteresse. Tous sont masqués, pour le plaisir, et laissés entre eux, s'adonnent à leurs propres monstruosités, toujours pour le plaisir. Mais alors que sonnent les douze coups de minuit, apparait un masque plus cruel que les autres, celui de la Mort. On le démasque alors, pour découvrir la créature contagieuse qu'a inventé le Diable et qui décimera à son appel le reste de l'humanité "en respectant la hierarchie".
Le lecteur attentif de Poe comprendra que j'ai ici mélangé ensemble le personnage de la Mort Rouge avec celui de la fille syphillitique du Diable -fruit de ses amours avec Salomé ! - et créée par Panizza. Ne sont ils pas tout deux des avatars de la contamination ?
Je dois bien l'avouer, j'ai presque malgré moi (je ne voulais pas le faire exprès...) cherché, par ce montage de textes, à aborder d'un peu plus près la problématique du "Roi en Jaune" de Chambers, (voir Annexe aux Z Ined: Oscar Wilde a-t-il écrit "Le roi en Jaune" ? sur ce même blogue) . Mais surtout, il m'est apparu en y travaillant que la nouvelle de Lovecraft "Je suis d'ailleurs" n'était qu'une réécriture de la Mort Rouge de Poe, la scène du Bal étant perçue par le protagoniste mortel, le monstre que tous fuient, le mort vivant. La présence de cet être, l'"outsider", au milieu de convives masqués reste sans conteste l'image forte de ces trois oeuvres.
Me restent des impressions : susciter la peur chez le public est difficile sans jouer sur la corde de l'humour noir. C'est peut-être ce qu'il manquait à Chambers pour réussir à écrire pour de bon son "Roi en jaune". C'est du moins une solution de facilité pour ne pas sombrer dans le ridicule d'une peur liée au mythique, quand tant de choses peuvent susciter l'effroi dans la réalité. Rions de nos peurs et ayons peur d'en rire ... et d'en périr.