Jennifer FLEMMING : "Autres poèmes"
COLLECTION LES ETRANGES N°8
Jennifer Flemming est née à
Hollywood en 1934 et y a vécu avec sa sœur Rebecca. Elles ont fait des études
universitaires à YUCLA, Jennifer obtenant de bien meilleurs résultats que sa
cadette, et elles ont toutes deux publié des recueils de poèmes, même si ceux
de Rebecca pâtissaient de toute comparaison avec ceux de son aînée. Tout laisse
supposer que les deux sœurs ont l’une pour l’autre du ressentiment tout autant
que de l’amour, en témoigne «À ma sœur ».
À ma sœur
« Rebecca, si un jour ton miroir
renvoyait
Le reflet de mes traits au
lieu de ton visage,
Tant de ces faux-semblants
tu as su faire usage,
Je me demande si tu le
remarquerais
Quand sonne le téléphone, ou
la porte d’entrée,
Et que j’entends ta voix, tu
prononces les paroles
Qui eussent été les miennes
si j’étais dans ce rôle.
Assise à ne rien faire, oui,
je pourrais rester.
« Mais quand viendra le
jour du Jugement dernier,
Mon corps prospérera,
connaîtra le bonheur.
Quand les morts, de leur
gangue, seront tous libérés,
Pour toi il n’y aura que la
mort, que l’horreur,
Sous la pierre sur laquelle
le nom qui est gravé,
N’est autre que celui qui
scelle ton malheur. »
Un collectionneur - dont le cas nous est rapporté dans le recueil "Itinéraires nocturnes" de Tim POWERS, nous
rapporte une version un peu différente des deux derniers tercets :
« Mais quand viendra
enfin le grand Résurrecteur,
La lune m’extraira de ces
pages jaunies,
Moi seule jouirai d’un
immense bonheur
Pour toi il n’y aura que la
mort, que l’oubli,
Sous une pierre gravée du
sceau de ton malheur,
Ce nom que tu croyais t’approprier
aussi. »
Jennifer Fleming s’est suicidée par arme à feu en 1969, parce que - dit-on - Rebecca lui avait «chipé» son fiancé. Rebecca est devenue son exécutrice testamentaire sur le plan littéraire.
Tim POWERS – « Une âme dans une bouteille », in ITINERAIRES NOCTURNES
(Denoël – Collection Lunes d’Encre ; pp. 263-266).