COLLECTION KILGORE TROUT N°13
"En 1972, Trout habitait un appartement en sous-sol, situé dans le quartier de Cohoes, à New-York. Pour parvenir à joindre les deux bouts, il travaillait comme installateur de jalousies et de contrevents en aluminium. (...) Le patron de Trout et les autres ouvriers ignoraient totalement que Trout pût être un écrivain. Aucun honorable éditeur ne lui connaissait cette qualité, bien qu'il eût déjà écrit cent dix-sept romans et deux milles nouvelles. (...) Il ne tapait jamais ses manuscrits en double exemplaire. Il les expédiait sans y joindre timbres et enveloppes pour être assuré de leur retour. Parfois on n'y trouvait même pas d'adresse pour les lui réexpédier. Il relevait les noms et les adresses des éditeurs dans des magazines consacrés aux questions littéraires, magazines qu'il dévorait avidement dans la salle des périodiques des bibliothèques municipales. Il parvint ainsi à contacter une maison d'éditions qui s'appelait World Classics Library (Bibliothèque des classiques mondiaux) et qui publiait à Los Angeles, en Californie, des ouvrages ultra-pornographiques. Ces gens-là utilisèrent ses histoires, qui parfois ne comportaient même pas de personnages féminins, afin de donner quelque consistance à des revues et à des ouvrages remplis de photos cochonnes.
Ils ne lui indiquaient jamais quand ou en quel lieu il pourrait avoir quelque chance de voir ses textes imprimés. Et ils le payaient au-dessous du minimum vital.
On ne lui envoyait même pas d'exemplaire justificatif de ses ouvrages, ni des revues où ses textes paraissaient ; si bien qu'il était contraint de se livrer à des recherches dans les librairies pornographiques. Et ses titres étaient très souvent changés. Par exemple, L'Homme de paille de l'Union galactique était devenu Folle bouche."
Kurt VONNEGUT, Jr. – Le breakfast du champion (Editions J'ai Lu ; pp.31-33 ; traduction : Guy Durand).
Ils ne lui indiquaient jamais quand ou en quel lieu il pourrait avoir quelque chance de voir ses textes imprimés. Et ils le payaient au-dessous du minimum vital.
On ne lui envoyait même pas d'exemplaire justificatif de ses ouvrages, ni des revues où ses textes paraissaient ; si bien qu'il était contraint de se livrer à des recherches dans les librairies pornographiques. Et ses titres étaient très souvent changés. Par exemple, L'Homme de paille de l'Union galactique était devenu Folle bouche."
Kurt VONNEGUT, Jr. – Le breakfast du champion (Editions J'ai Lu ; pp.31-33 ; traduction : Guy Durand).
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