5) Salomé, Reine en Jaune ?
Lovis Corinth : Salomé II |
Entre 1891 et 1892, à l’intention de son amie Sarah Bernhardt, Oscar Wilde écrivit directement en français Salomé, drame en un acte et en prose, mais la pièce ne parut qu’en 1893 à Paris, puis en 1894 à Londres, traduite par Lord Alfred Douglas- le compagnon de Wilde à cette époque.
D’une part, Wilde n’apprécia pas la traduction anglaise qu’en fit son compagnon. Ils se brouillèrent, et cette mésentente eut pour conséquences un procès pour diffamations que Wilde entama contre le père de Lord Douglas. Le procès se retourna contre Wilde, qui fut condamné en Mai 1895 à deux années de bagne.
D’autre part, si les répétitions avec Sarah Bernhard commencèrent bien, la censure française s’empara de l’œuvre et la fit interdire, sous prétexte qu’elle mettait en scène des personnages bibliques. Le procès Wilde n’arrangea pas les affaires par la suite, et il fallut attendre 1896 pour que le directeur du Théâtre de l’Oeuvre, Lugné-Poë, mette en scène la pièce scandaleuse, en geste de soutien pour l’infortuné écrivain incarcéré, bien que le public ne s’y intéressât que peu. (1) De telles circonstances auraient-elles pu inspirer à Chambers une pièce de théâtre parue en France puis en Angleterre, remuant les passions, merveilleusement écrite, mais à la réputation sulfureuse ? L’examen d’extraits de Salomé peuvent en effet placer Wilde aux côtés de Bierce au rayon des inspirations éventuelles :
D’autre part, si les répétitions avec Sarah Bernhard commencèrent bien, la censure française s’empara de l’œuvre et la fit interdire, sous prétexte qu’elle mettait en scène des personnages bibliques. Le procès Wilde n’arrangea pas les affaires par la suite, et il fallut attendre 1896 pour que le directeur du Théâtre de l’Oeuvre, Lugné-Poë, mette en scène la pièce scandaleuse, en geste de soutien pour l’infortuné écrivain incarcéré, bien que le public ne s’y intéressât que peu. (1) De telles circonstances auraient-elles pu inspirer à Chambers une pièce de théâtre parue en France puis en Angleterre, remuant les passions, merveilleusement écrite, mais à la réputation sulfureuse ? L’examen d’extraits de Salomé peuvent en effet placer Wilde aux côtés de Bierce au rayon des inspirations éventuelles :
LE PAGE D'HERODIAS. Regardez la lune. La lune a l'air très étrange. On dirait une femme qui sort d'un tombeau. Elle ressemble à une femme morte. On dirait qu'elle cherche des morts.(Salomé , d’Oscar Wilde - extraits).
LE JEUNE SYRIEN. Elle a l'air très étrange. Elle ressemble à une petite princesse qui porte un voile jaune, et a des pieds d'argent. Elle ressemble à une princesse qui a des pieds comme des petites colombes blanches. . . On dirait qu'elle danse.
LE PAGE D'HERODIAS. Elle est comme une femme morte. Elle va très lentement. (…)
LE JEUNE SYRIEN. Comme la princesse est pâle ! Jamais je ne l'ai vue si pâle. Elle ressemble au reflet d'une rose blanche dans un miroir d'argent.
LE PAGE D'HÉRODIAS. Il ne faut pas la regarder. Vous la regardez trop ! (…)
LE CAPPADOCIEN. Dans mon pays il n'y a pas de dieux à présent, les Romains les ont chassés. Il y en a qui disent qu'ils se sont réfugiés dans les montagnes, mais je ne le crois pas. Moi, j'ai passé trois nuits sur les montagnes les cherchant partout. Je ne les ai pas trouvés. Enfin je les ai appelés par leurs noms et ils n'ont pas paru. Je pense qu'ils sont morts. ( …)
LE CAPPADOCIEN. Il n'a pas eu peur ?
SECOND SOLDAT. Mais non. Le tétrarque lui a envoyé la bague.
LE CAPPADOCIEN. Quelle bague ?
SECOND SOLDAT. La bague de la mort. Ainsi, il n'a pas eu peur.
LE CAPPADOCIEN. Cependant, c'est terrible d'étrangler un roi.
PREMIER SOLDAT. Pourquoi ? Les rois n'ont qu'un cou, comme les autres hommes.
LE CAPPADOCIEN. Il me semble que c'est terrible. (…)
HERODE. Qu'est-ce que cela me fait? Ah! Regardez la lune! Elle est devenue rouge. Elle est devenue rouge comme du sang. Ah! le prophète l'a bien prédit. Il a prédit que la lune deviendrait rouge comme du sang. N'est-ce pas qu'il a prédit cela? Vous l'avez tous entendu. La lune est devenue rouge comme du sang. Ne le voyez-vous pas?
HERODIAS. Je le vois bien, et les étoiles tombent comme des figues vertes, n'est-ce pas? Et le soleil devient noir comme un sac de poil, et les rois de la terre ont peur. Cela au moins on le voit. Pour une fois dans sa vie le prophète a eu raison. Les rois de la terre ont peur . . . Enfin, rentrons. Vous êtes malade. On va dire à Rome que vous êtes fou. Rentrons, je vous dis. (…) Il ne faut regarder ni les choses ni les personnes. Il ne faut regarder que dans les miroirs. Car les miroirs ne nous montrent que des masques . . .
Aubrey Beardsley : Salomé, extrait de la première édition anglaise du texte de Wilde (1894) |
Nous aurions presque l'impression de lire d’authentiques lignes du Roi en Jaune. On y envoie des signes, on en redoute d’autres, plus cosmiques et spectraux, et l’ensemble baigne dans une atmosphère de mort imminente, de fin de règne. Carcosa transposée.
(1) : Nous pouvons voir une copie de travail, manuscrite, du Théâtre de l’Oeuvre au Musée d’Orsay à Paris.
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